Ils Font l’Alliance : entretien avec Sandra GIACOMONI

— Publié le 12 juin 2025

Ils Font l’Alliance : entretien avec Sandra GIACOMONI

Pour ce nouvel entretien d’ « Ils Font l’Alliance », nous mettons à l’honneur Sandra GIACOMONI, PDG et fondatrice de Travel Me, un service qui permet de visiter des lieux culturels à distance et en direct. Travel Me, c’est le fruit de rencontres qui ont marqué Sandra GIACOMONI. Découvrez son parcours inspirant et enrichissant.

Quel est votre parcours ?    

Sandra GIACOMONI : Alors, moi, je viens de la communication, notamment du digital et de l’expérience client. J’ai conseillé des marques dans divers secteurs, dans le luxe, dans le retail, sur des sujets liés au branding, sur leurs sites internet, leurs programmes de fidélité. Et ensuite, j’ai fait une formation d’executive coaching à HEC.

Est-ce que l’entrepreneuriat était déjà dans vos projets avant ? Quels sont les obstacles que vous avez rencontrés lors de cette expérience ? 

SG : Comme tout entrepreneur, je dirais que c’est les montagnes russes. Un jour on se sent au top, le lendemain c’est la cata à cause d’un imprévu. C’est émotionnellement intense. Mais pour moi, ce n’est pas une course de vitesse, c’est un marathon. Il faut tenir dans la durée, garder le cap, rester énergique avec les équipes, les partenaires, les clients… peu importe les hauts et les bas du quotidien.

Ce qui compte, c’est d’avoir cette capacité à avancer quoi qu’il arrive. Et ça, c’est un vrai défi, surtout quand on jongle avec tout. Comme dans beaucoup de jeunes structures, on est un peu couteau suisse : on fait de la stratégie, de l’opérationnel, de la gestion, de la relation client, des RH… Il faut être capable de passer d’un sujet à un autre sans perdre le fil.

Comment vous est venue l’idée de Travel Me ? 

SG : J’ai travaillé pour une association qui s’appelle Force Femmes et c’est en rencontrant une femme qui voulait être guide conférencière que l’idée est née de créer Travel Me. Proposer des voyages culturels qui seront à distance et en direct sur tout le patrimoine français pour un certain public. J’ai ainsi mis toute mon expertise dans le digital et de l’expérience client au service de la culture, pour rendre l’accès à la culture plus accessible.

Quelle est votre mission à travers ce service de visites à distance ?

SG : Notre mission est de rendre la culture accessible à ceux qui ne peuvent plus se déplacer. À l’origine, le projet Travel Me est né pendant le Covid, suite à une rencontre avec une guide conférencière. L’idée était alors de proposer des visites guidées à distance, pour permettre aux gens de continuer à découvrir des lieux culturels tout en restant chez eux.

Un an plus tard, une nouvelle rencontre, cette fois avec une directrice de résidence senior a été un déclic. Elle nous a demandé s’il était possible d’adapter ces visites pour des personnes âgées ou en perte d’autonomie. C’est là que nous avons compris qu’il existait un vrai besoin : celui des publics dits « empêchés », c’est-à-dire des personnes isolées, dépendantes, ou en situation de handicap, qui n’ont plus accès à la culture.

Nous avons alors fait évoluer notre projet pour nous consacrer exclusivement à ce public. Travel Me est ainsi devenue une entreprise à mission, dont l’objectif est de recréer un lien entre les lieux culturels et les personnes qui en sont exclues, en proposant des expériences de visite à distance. 

Aimeriez- vous moderniser votre offre au fil du temps (IA, réalité augmentée, immersion 360), sinon quelles sont les limites qui font que cela n’est pas possible ?

SG : On souhaite élargir notre impact à d’autres publics empêchés que ce soit pour des raisons de mobilité, de situation sociale ou géographique et aussi étendre notre présence sur l’ensemble du territoire, pas seulement en France. 

Côté offre, le patrimoine est immense, et on a envie d’aller plus loin, notamment en proposant des visites exclusives dans des lieux habituellement inaccessibles au public. Comme les visites sont à distance et menées par un guide seul, ça ouvre plein de possibilités pour explorer autrement.

Sur le plan technologique, on réfléchit aussi à enrichir l’expérience : à la fois en facilitant le travail des guides avec des outils adaptés, et en rendant les visites encore plus immersives. On reste attachés au live, au côté humain et collectif, donc on ne veut pas aller vers des formats trop isolants comme le casque VR. Mais si demain on peut créer des salles immersives en direct, avec de l’interaction et du contenu enrichi, comme des vidéos historiques qui s’intègrent naturellement à la visite là, ça devient très intéressant.

Quelle a été la visite la plus inattendue ou touchante que vous ayez organisée ?

SG : Ce qui m’a le plus touchée, c’est une visite à Montmartre, avec un groupe de résidents en fauteuil roulant, dans un établissement du centre de la France. Pendant la visite, le guide croise un guitariste sur la place du Tertre. Il lui explique qu’il est en direct avec un EHPAD, alors le musicien fait un petit coucou, demande s’il peut jouer un morceau, et une résidente lui demande une vieille chanson française. Il commence à jouer, elle se met à chanter… et se lève de son fauteuil. C’était incroyable. Les autres résidents ont chanté avec elle. Un vrai moment d’émotion, très fort, très vivant.

Et enfin, il y a eu ce monsieur, sourd-muet, dans un EHPAD à Clamart. Quand je suis arrivée, je ne comprenais pas pourquoi il ne me répondait pas. On m’a expliqué qu’il était sourd-muet, mais qu’il ne ratait jamais une seule visite. Il venait à chaque fois, accompagné d’une dame qui lui expliquait à sa manière. Ce jour-là, à la fin de la visite, il est venu me voir, m’a serré les mains avec une telle intensité… Il ne pouvait pas parler, mais ses yeux disaient tout. Il était heureux. Et moi, j’étais profondément émue.

Quels sont les enjeux/contraintes dans votre secteur aujourd’hui que vous rencontrerez ?

SG : On évolue dans un secteur en crise, celui des EHPAD et des établissements pour seniors. C’est un milieu où il y a beaucoup de choses à faire, mais peu de moyens, un vrai manque de ressources humaines et de stabilité. Pourtant, on continue, parce qu’on voit le besoin, on voit les effets positifs, et on sait que notre offre peut vraiment faire la différence.

Faire du live en mobilité, avec une excellente qualité d’image et de son, c’est un vrai défi technique, surtout pour un public qui entend et voit parfois moins bien. Chaque visite, on l’anticipe comme une petite opération : on teste les réseaux, on optimise nos outils, on veille à chaque détail.

Et puis, il y a la réalité du terrain. Parfois ça coupe, parfois le signal passe mal. Mais c’est comme un téléphone : on ne le jette pas dès qu’il capte mal. On en a besoin. Là, c’est pareil. Les résidents, les établissements, ils ont besoin de ces moments, de ces bulles culturelles. Et on continue, parce qu’on sait que ça leur fait du bien.

Travel Me dans 10 ans ? 

SG : Dans 10 ans, Travel Me, ce sera pour moi la référence mondiale des voyages culturels à distance et en direct. Mon objectif, c’est que toute personne empêchée pour des raisons de santé, de mobilité, de contexte social ou géographique puisse accéder à n’importe quel lieu culturel, comme si elle y était.

Aujourd’hui, on fait découvrir le patrimoine français. Mais demain, je veux qu’on puisse faire visiter le patrimoine mondial. Qu’une personne en France puisse explorer un temple au Japon, une ville en Égypte ou un musée à New York, sans bouger, mais en vivant une vraie expérience en direct. Qu’on efface les frontières de l’accès à la culture.

Quelles sont les dernières grandes actualités de votre entreprise ?

SG : Les grandes actualités en ce moment, c’est la diversification de nos publics. On va expérimenter deux nouvelles cibles cette année : Les personnes en situation de handicap. On commence à explorer ce secteur, notamment en participant au salon Autonomic en juin, pour bien comprendre les besoins et voir comment on peut intervenir de façon pertinente.

Avec les écoles, on démarre également une phase d’expérimentation. L’idée, c’est de construire des offres vraiment adaptées, parce que ce qu’on fait pour les personnes âgées ne s’applique pas tel quel aux enfants. Et en parallèle, on poursuit l’ouverture à l’international. On a démarré avec l’Italie, on prépare des tests en Espagne, et on vise d’autres pays européens à court terme. Bien sûr, on continue aussi à déployer notre offre auprès des seniors, parce qu’il y a encore énormément à faire sur ce public-là.

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